Le 8 avril 2025, à l'Académie du Climat, cet événement a réuni les professionnels de l'aménagement (collectivités, aménageurs publics et privés, urbanistes, architectes, et autres acteurs) autour de la thématique de l'intégration des bilans carbone dans les projets urbains. Trop souvent limités à une fonction purement informative, ces bilans peinent à déclencher une action concrète des parties prenantes. Pourtant, en les articulant aux bilans financiers, ils peuvent et doivent devenir des leviers efficaces pour mobiliser les aménageurs en faveur du climat.
Nous avons profité de cet échange pour présenter EuroCO2, ses applications pratiques et ses évolutions actuelles.
Vous trouverez ci-dessous le résumé des moments forts de cette rencontre ainsi que les captations vidéo des interventions.
Introduction : un outil au service de la décarbonation des opérations d’aménagement
par Amer Mourad, Chef de projet, Une autre ville
Quand on utilise le bilan carbone comme outil d’aide à la décision, le moment où celui-ci a le plus d’impact est le plus en amont possible du projet : là où toutes les portes sont encore ouvertes. Cependant, aux prémices du projet, il est généralement compliqué de savoir combien va coûter (ou non) la décarbonation. C’est pour cela qu’Une autre ville et Amoès ont créé un outil qui permet de calculer simultanément le poids carbone d’un projet et son pré-bilan économique et de comparer plusieurs variantes entre elles : EuroCO2.
Les bilans carbone : un outil nécessaire mais qui ne doit pas être la seule (p)référence
par Julie Vedrine, Cheffe de projet, Amoès
Le carbone est compté en France depuis les années 1970 via les Analyses en Cycle de Vie (ACV). D’abord appliquées à des produits simples, elles s’appliquent aujourd’hui à des sujets très complexes tels que les bâtiments et plus récemment les opérations d’aménagement. Bien que le bilan carbone soit devenu une référence, il présente de nombreux biais tels que la non-prise en compte des externalités. Il est donc important de se rappeler que les chiffres représentent de façon imparfaite la réalité et que le bilan carbone doit être couplé à d’autres indicateurs. Avec l’évolution de la règlementation (labels, RE2020, SNBC), la tentation est forte de vouloir une évaluation complète et parfaite pour “passer un seuil”, ce qui pose des problèmes d’ordre méthodologique et conduit à des biais dans l’utilisation de ces bilans.
Témoignage : pourquoi et comment réaliser un bilan carbone sur un grand projet urbain d’ampleur territoriale ?
par Louis Gaucher, Chef de projet construction et ville durable à l’Etablissement public d’aménagement Paris-Saclay
A mi-parcours de l’opération d’intérêt national Paris-Saclay, l’Etablissement public d’aménagement a eu la volonté de réaliser un bilan carbone à l’échelle des 3 ZAC du sud du plateau de Saclay car il avait besoin d’évaluer la performance des projets, d’éclairer les choix politiques, d’acculturer les équipes et d’essayer de comprendre l’intérêt du modèle de développement du territoire selon la métrique carbone. EuroCO2 leur a permis de disposer d’un outil sur-mesure tout en assumant ses limites.
Comment la décarbonation bouscule-t-elle l’économie des projets d’aménagement ?
par Nicolas Rougé, Directeur, Une autre ville
Tout le monde le sait, la décarbonation coûte cher : matériaux, infrastructures, études, recyclage du foncier... mais ce n’est pas toujours le cas ! En effet, entre les sobriétés matérielles, architecturales et programmatiques, un possible rééquilibrage du coût global et la prise en compte des économies réalisées “hors bilan” et du coût de l’inaction, la décarbonation peut devenir une voie économiquement préférable. Les aménageurs, quant à eux, ont maintenant la possibilité de recourir à divers outils financiers (incitatifs ou dissuasifs) ou extra-financiers pour intégrer la décarbonation dans leur modèle économique.
Témoignage : pourquoi et comment explorer des leviers de décarbonation sur ses opérations d’aménagement et leurs impacts économiques ?
par Anna Perroux, Directrice du pôle appui aux opérations et innovation, Grand Paris Aménagement
GPA a réalisé 3 bilans complets via EuroCO2 pour 3 opérations très différentes afin de :
Permettre la montée en compétence des équipes sur la question carbone,
Mieux comprendre les particularités des opérations,
Tester des changements de pratiques,
Montrer aux collectivités locales l’impact (positif ou négatif) de la décarbonation sur les bilans des opérations,
Bien que ceux-ci aient contribué à alimenter la stratégie environnementale de GPA, cette dernière reste parfois difficile à appliquer.
Débat participatif : comment les professionnels de l’aménagement s'emparent-ils des outils de la décarbonation ?
Moment de partage avec la salle
Trois questions ont été abordées lors de ce débat participatif, nous proposons ici un résumé des principales réponses obtenues (+ de 50 réponses au total).
Qu’est-ce que les bilans carbone ont permis (ou auraient permis) de faire avancer sur vos projets ?
Parmi les points qui ressortent, le rôle du bilan carbone pour orienter les choix de conception (réhabilitation plutôt que démolition-reconstruction, choix de matériaux, d’approvisionnement énergétique...) mais aussi pour l’acculturation des équipes aux enjeux et ordres de grandeurs des émissions de gaz à effet de serre. Le bilan carbone sert aussi à faciliter les échanges avec les décideurs sur des sujets bloquants.
Quelles sont vos craintes ou vos déceptions vis à vis des bilans carbone ? Quels sont selon vous les freins à la réalisation plus systématique de bilan carbone ?
Une crainte partagée par plusieurs acteurs présents est celle du choix d’un scénario comparatif trop défavorable, afin de mettre en valeur le projet sans questionner les choix mis en œuvre. Le bilan carbone peut ainsi devenir un outil de greenwashing sans impact sur le projet lui-même. Pour éviter cela, le choix du scénario comparatif doit refléter une situation représentative de projets actuels à usages similaires. Cette réflexion doit faire partie de la mission d’accompagnement autour du bilan carbone.
Un autre écueil à éviter est d’oublier les autres impacts du projets (biodiversité, confort thermique...). Le bilan carbone peut ainsi être mis en regard d’autres indicateurs. Par exemple, les co-bénéfices des projets sont toujours mis en valeur lors des missions d’Une autre ville.
Enfin, les freins à la mise en place du bilan carbone sont notamment la quantité de données d’entrées nécessaires, la complexité de la mise en œuvre du bilan et le coût des études et des leviers d’amélioration. Des outils comme EuroCO2 peuvent être mis en œuvre aux stades amont des projets urbains, avec des données d’entrées générales (plan masse, programmation, ambitions environnementales...) en utilisant des ratios issus de la capitalisation de nombreux projets et études. La prise de données devient donc moins complexe, et les leviers d’amélioration peuvent être identifiés assez tôt dans le projet pour être anticipés. EuroCO2 permet aussi d’obtenir directement, pour un levier donné, à la fois l’impact carbone évité et le surcoût associé, pour arbitrer les choix.
A quoi ressemblerait selon vous un outil idéal pour décarboner les projets urbains ?
L’outil de décarbonation idéal est simple d’utilisation et permet d’étudier des variantes rapidement. Il est partagé entre les différents acteurs du projet (maîtrise d’ouvrage, concepteurs et bureaux d’étude, économiste...). Il permet de visualiser les coûts pesant sur chaque acteur en fonction du montage financier, avec une approche en coût global. Cet outil doit aussi être transparent sur les hypothèses de calcul.
Les évolutions en cours et futures d’EuroCO2
par Alice Cori, Cheffe de projet, Amoès
Pour clôturer l’évènement, a été présentée au public une nouvelle version d’EuroCO2, permettant de rendre l’outil plus proche des besoins des aménageurs et des concepteurs. Plus ergonomique, intuitive et graphique, cette nouvelle version encore en cours de développement par les équipes d’Une autre ville et d’Amoès pourra être partagée via une plateforme web avec les acteurs du projet, pour faire du bilan carbone un outil réellement collaboratif. Parce qu'une image (une vidéo dans notre cas) vaut 1 000 mots, nous allons prochainement publier une vidéo de démonstration de l’outil.